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Projet de loi
relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile
(juin 2007)
 
  
Exposé des motifs
 
Barrer la route aux familles sous prétexte d’intégration
Piller sous prétexte d’aide au développement
 
 
Ce contre-exposé des motifs ne balaie pas l’ensemble des dispositions évoquées par l’exposé officiel des motifs. Il se contente d’aller à l’essentiel ; de montrer, à travers la critique du texte qui vise l’immigration familiale, à quel point le gouvernement ment et comment il s’efforce de tromper l’opinion.
 
Morceaux choisis : « La maîtrise de la langue française facilite beaucoup la recherche et l’obtention d’un emploi, facteur essentiel d’intégration ». « Elle peut favoriser (…) l’égalité entre les hommes et les femmes ». « Le présent projet de loi vise à permettre aux étrangers membres de famille de mieux réussir ce parcours en les préparant dès avant leur venue en France ».
 
Tout miel tout sucre, le gouvernement dit, dans l’exposé des motifs de son projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, vouloir le bonheur des étrangers.
 
Question : la démocratie n’impliquerait-elle pas, de la part des gouvernants, qu’ils parlent vrai aux citoyens de façon à leur permettre de juger dans la clarté leurs actes et orientations ?
 
Si l’on en croit l’exposé des motifs, la réponse est non : en bonne démocratie, les citoyens doivent être bernés.
 
Tromper l’opinion
 
Pourquoi, en effet, habiller d’un discours mielleux et d’un déguisement humanitaire un projet de loi qui nie le droit à la vie familiale des étrangers et qui vise à s’y opposer autant que faire se peut ?
 
Le gouvernement n’aurait-il pas pu expliquer franchement à la société française que, comme l’asile, l’immigration familiale est une immigration qu’il juge inutile, voire nuisible, parce qu’elle est « non choisie », de celles que M. Sarkozy a appelées « subies ».
 
« Subies » parce que le droit international a jugé, sur une base simplement humaine, que les membres de la famille des résidents étrangers en situation régulière peuvent, dans une certaine mesure, imposer à l’Etat leur volonté de vivre ensemble et franchir dans ce but ses frontières le cas échéant contre sa volonté. Un peu à la manière des persécutés et de ceux qui risquent des persécutions, que le droit international autorise à pénétrer sur le territoire d’un pays supposé protecteur sans avoir à lui en demander l’autorisation.
 
Ce sont des droits dont la légitimité repose sur le bon sens le plus élémentaire pour peu que l’on considère les migrants comme des êtres humains à part entière.
 
Ce bon sens et les conséquences de l’égalité des humains entre eux, le gouvernement a décidé de les ignorer. Fini le respect des droits fondamentaux de la personne humaine. L’avenir est à l’immigré qui sert et qui rapporte. Voilà la philosophie qui sous-tend le projet de loi.
 
Qu’on soit ou non d’accord, c’est un choix qui a sa cohérence. Pourquoi le gouvernement ne l’assume-t-il pas en l’explicitant comme il est ? Peur que l’opinion ne soit pas prête, elle, à accepter l’inhumanité ?
 
L’ennui, c’est que l’opinion ne lit pas les projets de loi. Si elle le faisait, l’escroquerie du gouvernement – l’enrobage mielleux de l’exposé des motifs - lui sauterait aux yeux. Car, pour la berner, tout est bon : après le travestissement humanitaire, des chiffres, gage d’objectivité apparente. Mais lesquels ?
 
La première astuce, c’est de se garder de préciser ce qui est mis sous le vocable « immigration familiale ». Selon la démonstration que l’on veut faire, il pourra être intéressant d’englober sous cette appellation tous ceux qui obtiennent un titre de séjour pour des motifs d’attaches familiales, c’est-à-dire par exemple les mineurs vivant en France atteignant leur majorité ou d’autres catégories qui ne comportent aucun nouvel arrivant.
 
La deuxième astuce, c’est de comparer les effectifs de l’immigration familiale, qui est donc une immigration dont les effectifs échappent légitimement en partie à la volonté des Etats (d’où l’appellation d’« immigration subie), aux chiffres de migrations dont ces Etats peuvent calibrer les volumes à peu près comme ils le veulent.
 
Vous rendez-vous compte, dit le projet de loi, qu’en 2005, la France a délivré 94 500 titres de séjours à des membres étrangers de familles alors qu’elle n’en a donné que 48 900 à des étudiants et 13 650 à des travailleurs ?
 
De la même façon qu’on peut tricher avec les chiffres de l’immigration familiale, on peut tricher avec ceux des « travailleurs », par exemple en ne comptant pas les travailleurs saisonniers et autres travailleurs temporaires.
 
Avec les chiffres ainsi habilement sélectionnés, on peut justifier l’exclamation sous entendue dans l’exposé des motifs du projet de loi : sept fois plus d’immigration familiale que d’immigration de travail, celle qui rapporte immédiatement ! Deux fois plus d’immigration familiale que d’immigration pour études, celle qui deviendra très productive à terme ! On peut de cette façon faire accroire qu’à la différence des autres, non seulement l’immigration familiale ne rapporterait pas, mais qu’elle coûterait : l’école pour les enfants ; la santé pour tous, des allocations familiales, des prestations sociales, etc.
 
Surfer sur les clichés de l’extrême droite
 
Pour le gouvernement, il est inutile de démontrer ce qui apparaît comme une évidence par la force des clichés. L’extrême droite a défriché l’opinion ; elle y a semé des idées toutes faites : il va de soi que l’arrivée de familles étrangères en France relève du seul parasitisme. Des étrangers qui migrent par amour, par besoin d’être ensemble ? Mais vous n’y pensez pas ! Quel angélisme !
 
Ce parasitisme supposé, qui nie la possibilité-même des sentiments, nie par là l’humanité des migrants. Ils ne sont pas des êtres humains. C’est aussi fondamental que sous-entendu.
 
Voilà sur quoi surfe sans vergogne l’actuel gouvernement.
 
Voilà le sens de sa comparaison malhonnête des chiffres de l’immigration familiale avec ceux des étrangers définis comme productifs : en fait, puisque, pour les migrants, la vie familiale ne constitue qu’un prétexte utilisé par eux pour venir s’enrichir sur notre dos, l’immigration familiale est une immigration économique à l’envers, de celles qui, au lieu de rapporter, coûtent. Il est donc juste de l’inclure dans un calcul économique. Et il est légitime de n’être pas dupe d’un détournement des droits de l’homme. Pas ou peu d’humanité chez eux = pas de droits fondamentaux. CQFD.
 
Dans l’exposé des motifs du projet de loi, le miel du verbiage colporte ces valeurs-là, communiquées entre les lignes sur un mode subliminal. Manipulation préférée au débat ; cliché (le parasitisme) à la réalité (la famille) : de débat démocratique, point. Une fois encore.
 
Quelle est la vérité ? Les familles étrangères coûtent ce que coûtent toutes les familles. Ni plus ni moins. Et rapportent ce que rapportent aussi toutes les familles, qui consomment, qui travaillent, et dont les enfants travailleront, feront des enfants, lesquels travailleront à leur tour et feront, parmi d’autres,… la France de demain.
 
A ces soubassements idéologiques foncièrement xénophobes s’ajoute une étrange conception du prix de l’immigré. Pour être acceptable, il doit être utile, et pour être utile, il doit être gratuit.
 
L’immigration familiale est une immigration de travail
 
L’une des principales innovations de la réforme de 2006 a consisté à rouvrir la voie à l’immigration de travail « choisie ». Or l’immigration familiale est une immigration de travail :
-         d’abord parce qu’elle concerne, pour l’essentiel, des familles d’immigrés en situation régulière qui travaillent et qui, en travaillant, aspirent à une vie normale, avec leur famille autour d’eux ; à ce titre, l’immigration est une dette de la France à l’égard de ses travailleurs étrangers ;
-         ensuite parce que les membres de ces familles travaillent le plus souvent dès que possible ou se destinent à travailler plus tard après l’école, après des études plus ou moins longues.
 
Il n’existe donc aucune raison d’opposer immigration familiale et immigration de travail (pour comprendre à quel point l’immigration familiale ne peut être exclue de l’immigration de travail, voir ci-après l’encadré « Retour du refoulé de 1976 ».
 
Une des manières d’avoir des immigrés qui coûtent moins qu’ils ne rapportent, c’est de tout faire pour ne laisser entrer que ceux qui ont été formés ailleurs, ceux dont les compétences acquises ailleurs, sont, de ce fait, gratuites pour la France.
 
Cette aspiration à l’acquisition sans bourse déliée de ressources humaines venues d’ailleurs est particulièrement paradoxale de la part d’un gouvernement dont l’une des innovations sémantiques vient de consister à inventer un ministère « de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement ». Car le codéveloppement implique un partage équitable – équitable ne veut pas dire égal mais proportionnel au niveau de développement - des charges et des profits entre la France et ses partenaires du tiers-monde. Or, avec son option en faveur de l’« immigration choisie », la France veut des immigrés immédiatement utilisables, des aptitudes financées par d’autres, plus pauvres qu’elle.
 
Piller le tiers-monde
 
On comprend qu’un tel projet, pour le coup caractérisé par son parasitisme, entende tirer un trait sur l’immigration familiale. Elle implique, en effet, un investissement, notamment éducatif, pour qu’elle produise ensuite la plus-value attendue de toute future génération. Etrange qu’un gouvernement si prompt à crier sur les toits son ambition de faciliter l’investissement considère comme une charge insupportable la formation des enfants des immigrés dont elle tire profit aujourd’hui.
 
Philosophie encore dérogatoire à l’encontre des étrangers : de même que le lien familial - en général tout ce qu’il y a de plus sacré - ne serait, s’agissant des étrangers, que prétexte à escroquerie ; la formation elle aussi, qui est un devoir prioritaire à l’égard des Français, est un insupportable fardeau dès lors qu’il s’agit d’enfants ou de jeunes immigrés.
 
Est-ce une volonté décomplexée de pillage qui conduit le gouvernement à mettre l’immigré au ban de l’humanité, ou est-ce sa xénophobie qui l’entraîne au pillage ?
 
Interrogation renforcée par la « lettre de mission » envoyée le 9 juillet 2007 au ministre de l’immigration par le président de la République et le premier ministre. La même hypocrisie l’anime. Exemple : « Vous vous attacherez, indique-t-elle notamment à M. Hortefeux, à changer profondément la politique d'accueil des étudiants étrangers en France. Vous veillerez (…) à recruter davantage d'étudiants dans les disciplines scientifiques. Nous voulons assumer nos responsabilités à l'égard des pays les plus pauvres, qui ont besoin de la France pour former leurs élites, mais nous voulons également que la France devienne un pays qui attire les meilleurs étudiants du monde entier ». Le « également » signifie tout sauf l’égalité entre France et pays du Sud. La preuve ? Dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), la réforme de 2006 (Sarkozy) a prévu (art. L311-11) la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour (APS) d'une durée de six mois non renouvelable aux étudiants étrangers titulaires d’au moins un master (bac + 4 ou 5 années d’études supérieures). Pour maquiller le pillage, la loi se pare de précautions de langage. Il s’agit de permettre aux bénéficiaires d’acquérir « une première expérience professionnelle participant directement ou indirectement au développement économique de la France et du pays dont il a la nationalité ». Pour ce qui est des pays d’origine, leur sort est rapidement réglé : la phrase suivante précise, en effet, qu’«  à l'issue de cette période de six mois, l'intéressé pourvu d'un emploi ou titulaire d'une promesse d'embauche (…) est autorisé à séjourner en France pour l'exercice de l'activité professionnelle ». Au diable l’aide au développement.
 
Elle n’était que députée quand l’actuelle ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, Roselyne Bachelot-Narquin, a écrit dans le Monde du 22 octobre 1999 qu’il« faut avoir le courage ou le cynisme de dire que nous allons nous livrer à une démarche néocolonialiste de grande envergure pour assurer la survie de nos sociétés postindustrielles vieillissantes. Après avoir pillé le tiers-monde de ses matières premières, nous nous apprêtons à le piller de ce qui sera la grande source de richesses du troisième millénaire : l'intelligence ». Prophétique députée ! Que n’explique-t-elle clairement aujourd’hui à quel point elle avait raison huit ans à l’avance et que tel est bien l’objectif du projet de loi du gouvernement ?
 
Il y a longtemps que l’Occident et tout particulièrement la France déshumanisent migrants et immigrés en les considérant comme de purs outils. L’histoire de la politique coloniale française jusque dans les années 60, comme sa politique migratoire depuis la fin du XIXe siècle en témoignent. Avec l’institutionnalisation des notions d’« immigration choisie » et d’« immigration subie », du temps où il était ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy a cependant franchi un pas supplémentaire.
 
On le voit bien avec l’apparition de l’« identité nationale » dans l’appellation du nouveau ministère de l’immigration. La dévalorisation sans limite de l’immigré facilite son assimilation au rang de pollueur potentiel d’une supposée pureté nationale qui serait à défendre. La famille n’est pas pour rien victime prioritaire de cette appréhension de l’humanité. Car la famille s’installe. Elle déménage son histoire dans la société au sein de laquelle elle jette l’ancre. S’il est contraint de laisser cette famille dans son pays d’origine, le travailleur étranger reste un exilé de passage là où il gagne leur vie. C’est ce qui fait de lui un être jetable. Quand sa famille l’a rejoint, il a vraiment migré.
 
Que le soudain souci de la préservation de l’identité nationale aille avec une tentative d’en finir avec la famille étrangère n’est donc guère surprenant.
 
 
Retour du refoulé de 1976
 
Le 29 avril 1976, peu après la fermeture des frontières à toute immigration de travail, le gouvernement d’alors dirigé par Jacques Chirac publie un décret qui interdit le travail aux membres rejoignants des familles des étrangers résidents. Le Gisti, la CFDT et la CGT contestent la légalité de ce décret devant le Conseil d’Etat, lequel l’annule le 8 décembre 1978.
 
Les arguments du Conseil d’Etat sont les suivants : « Il résulte des principes généraux du droit et, notamment du Préambule de la Constitution du 27 oct. 1946 auquel se réfère la Constitution du 4 oct. 1958, que les étrangers résidant régulièrement en France ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale ; que ce droit comporte, en particulier, la faculté, pour ces étrangers, de faire venir auprès d’eux leur conjoint et leurs enfants mineurs ; que, s’il appartient au Gouvernement, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, et sous réserve des engagements internationaux de la France, de définir les conditions d’exercice de ce droit pour en concilier le principe avec les nécessités tenant à l’ordre public et à la protection sociale des étrangers et de leur famille, ledit gouvernement ne peut interdire par voie de mesure générale l’occupation d’un emploi par les membres des familles des ressortissants étrangers ».
 
Pour tenter de diminuer l’immigration familiale, le gouvernement de 1976 voulait donc la priver de l’accès à l’emploi. Quelle meilleure preuve du fait que, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement d’aujourd’hui, l’immigration familiale est une immigration de travail ?
 
C’est faute de pouvoir ré-essayer de lui interdire l’emploi que M . Hortefeux essaye, trente ans plus tard, d’imposer la maîtrise de la langue française aux migrants familiaux. Un obstacle artificiel, dont il faut espérer qu’il sera censuré par le Conseil constitutionnel comme le décret de 1976 l’a été par le Conseil d’Etat.
 
 
 
L’exposé des motifs fait tout pour dissimuler l’intention de fragilisation des travailleurs étrangers par le projet de loi en les privant de leur environnement familial. Il affirme, au contraire, l’attachement du gouvernement à la réussite de l’intégration – notion jamais définie - des familles étrangères. C’est là qu’intervient notamment la nouvelle obligation d’une évaluation, dans le pays d’origine et donc avant leur départ, de la connaissance de la langue française et des valeurs de la République pour les étrangers âgés de 16 ans et plus qui projettent de rejoindre leur conjoint-e ou leur père en situation régulière en France (regroupement familial).
 
L’escroquerie du stage linguistique dans le pays d’origine
 
C’est évidemment pour leur bien. Il s’agit de leur « permettre de préparer [leur] intégration républicaine dans la société française ». A cet égard, l’exposé des motifs cite quatre exemples concrets :
-         facilitation de la recherche et de l’obtention d’un emploi ;
-         aptitude à la recherche d'un logement (qui doit pourtant avoir été déniché avant l’arrivée en France, faute de quoi le regroupement familial est interdit) ;
-         et puis, « dans certains cas », conscience de « l’égalité entre les hommes et les femmes ».
 
Pour les enfants de Français, aucune méthode d’apprentissage d’une langue n’est plus efficace que l’immersion dans un pays qui la pratique. Dès lors qu’il s’agit de familles d’étrangers originaires du Sud de la planète, aucune méthode n’est pire. La best consiste à suivre, chez soi, « une formation dont la durée ne peut excéder deux mois ». Parce que ces gens du Sud ont le génie des langues. Non seulement, eux apprennent une langue en deux mois, mais, en deux mois, ils assimilent aussi la civilisation qui va avec !
 
Après une pareille estimation des stupéfiantes capacités d’apprentissage des étrangers du Sud, nul ne pourra plus dire du gouvernement Fillon qu’il est xénophobe. A moins qu’il ne s’agisse de « xénophobie positive » ?
 
Bref. L’exposé des motifs de la future loi Hortefeux se caractérise par un profond mépris des Français, du Parlement et – est-il besoin de l’ajouter – des migrants et des immigrés. Le gouvernement nous sert une « bouillie pour les chats » à sa manière. Par exemple, ce tissu de niaiseries selon lequel la langue serait porteuse de l'idéal républicain et pourrait être, de ce fait, « civilisatrice » : « Composante essentielle de l’identité nationale et vecteur d’adhésion et de participation, le français, langue de la République, est associé, dans notre culture, aux valeurs fondatrices de celle-ci, parmi lesquelles la liberté et l’égalité. La connaissance même de ces valeurs est gage d’intégration ».
 
On se croirait revenu à l'âge des bons pères missionnaires, avec le français comme nouvel évangile. Conservatisme, quand tu nous tiens...
 
Le gouvernement ne croit évidemment pas une minutes à son propre boniment. A ce point que sa formation de deux mois débouchera sur aucun certificat d'aptitude au français et aux valeurs tricolores. Non. Elle donnera lieu à la délivrance d'une « attestation de suivi ». Autrement dit, même les cancres n'ont rien à craindre. Il suffit d'être assidu.
 
De quoi s'agit-il donc ? D'une épreuve qui vise à éprouver la docilité des candidats au regroupement familial et - surtout - d'un subterfuge pour éliminer, sur des bases non linguistiques, une grande partie d'entre eux. Il n'y aura évidemment pas de centres de formation partout, et de loin. Les stagiaires devront se rendre dans la capitale de leur pays ou – au mieux – dans l'une des plus grandes villes. Les ruraux, les habitants des petites villes, les pauvres sont éliminés d'avance, ainsi que ceux qui, non ou peu scolarisés, s'estimeront d'eux-mêmes inaptes à l'épreuve.
 
Sous un déguisement linguistique, l'intérêt de l'affaire est donc social : éliminer les couches défavorisées. C'est de l'apartheid économique.
 
Il est parfaitement cohérent avec la philosophie sarkosienne de la réforme de 2006 : immigration utile et immigrés jetables.
 
Résistance
 
Tout le monde connaît le résultat des « mesures familiales » contenues dans le projet de loi, MM. Sarkozy, Fillon et Hortefeux au premier chef.
 
Les étrangers étant des êtres humains, leur besoin de vie familiale demeurera celui de tous les êtres humains, quels que soient les nouveaux obstacles qui s’y opposeront si la loi est votée et si elle est ensuite validée par le Conseil constitutionnel.
 
Ces étrangers résisteront légitimement à l’inhumanité en sautant ces obstacles. Quant à l’administration française, elle qualifiera bientôt d’« illégaux » ces franchissements tout simplement humains. Il y aura donc beaucoup de sans-papiers supplémentaires. C’est acquis d’avance.
 
Résistance ? Depuis la fermeture officielle des frontières à toute immigration de travail dans les années 70, la répression n’a cessé de s’abattre sur les immigrés. En 1993, Charles Pasqua a procédé à un saut qualitatif fort de cette répression avec le slogan de l’« immigration zéro ». La gauche n’a fondamentalement rien changé à cette orientation. Tout juste a-t-elle commencé, avec M. Chevènement en 1997, à prendre acte d’un nouveau besoin de travailleurs immigrés. Elle a donc, la première dans la période contemporaine, restauré le droit de la France à choisir les immigrés qui lui seraient utiles. La Commission européenne l’a suivie sur ce chemin utilitariste avec son « Livre vert » de 2001 sur la question.
 
Quand M. Sarkory, ministre de l’intérieur, a popularisé les notions d’« immigration utile » et d’« immigration choisie » - dans lesquelles l’UCIJ a opportunément vu la réapparition de l’« immigré jetable » -, le terrain avait donc été préparé. Il ne lui restait plus qu’à y semer une idéologie explicitement xénophobe selon laquelle l’immigré ne bénéficie d’aucun droit inhérent à son appartenance à l’espèce humaine.
 
Qu’un droit aussi fondamental que celui de vivre en famille essuie de nouveaux et redoutables coups avec l’actuel projet de loi apporte une preuve supplémentaire de cette « philosophie ». Plus rien n’est intouchable, plus rien n’est « sacré ».
 
Résistance ? De plus en plus nombreux, au fur et à mesure que se succèdent les réformes de la réglementation relative aux étrangers, les migrants et les immigrés sont contraints à l’illégalité pour lutter contre des mesures dites « légales » qui nient leur humanité. Cette illégalité doit être comprise comme une résistance à leur déshumanisation.
 
Leur résistance mérite la nôtre parce que toute déshumanisation de certains êtres humains menace l’humanité tout entière.
 
http://www.contreimmigrationjetable.org
Tag(s) : #Immigrés et étrangers