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Déclaration du Conseil d’Administration du MRAP à propos des résultats du premier tour des élections présidentielles du 22 avril 2007

Avec les résultats du premier tour de l’élection présidentielle du 22 avril 2007, la France doit faire face à une situation particulièrement grave et lourde de menaces pour l’avenir.

Le candidat de droite, arrivé en tête au premier tour, atteint un score élevé grâce aux voix de l’extrême droite et reprend à son compte des thèmes et des pratiques politiques revendiquées, élection après élection, par les partis de l’extrême droite populiste et xénophobe. Ces politiques, aujourd’hui introduites au cœur de la droite traditionnelle, vont à l’encontre des positions et des valeurs du MRAP depuis sa création, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Le danger que ce candidat l’emporte également au second tour est extrême.

Le MRAP ne saurait oublier que le ministre de l’Intérieur qu’il fut, et le candidat qu’il reste, revendique une vision ethnicisée de problèmes fondamentalement sociaux ainsi qu’ une conception eugénique de la personnalité et des comportements humains, concernant l’origine prétendument génétique et la part prédominante de l’inné dans l’existence de la pédophilie, des suicides des jeunes ou de cancers attribuables au tabac, amenant le généticien Axel Khan à répondre « qu’il n’y a pas de gènes du destin malheureux ».

Des considérations de même nature avaient tout d’abord fait prévoir au ministre, dans le cadre du projet de loi sur la prévention de la délinquance – avant de devoir y renoncer en raison notamment de la mobilisation des professionnels de la santé - la détection de futurs comportements délinquants chez l’ enfant, dès l’âge de trois ans.

En durcissant par deux fois la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers, en restreignant un peu plus le droit d'asile, il a fabriqué de nouveaux sans papiers et engendré la précarisation de nombreuses familles étrangères.

En multipliant les expulsions, en organisant la chasse aux sans papiers notamment à la sortie des écoles, lors de soupes populaires, (la chasse à l'enfant, à l'étudiant, aux amoureux, aux travailleurs…) et en criminalisant la solidarité, il a porté toujours plus atteinte aux droits fondamentaux (droit à l'éducation, droit à la santé) et aux libertés publiques.

En désignant deux catégories d'immigrés - revendiquant une immigration « choisie » contre une immigration dite « subie » - et en accusant les étrangers d'être à l'origine de l'insécurité, de la «crise des banlieues»..., il a eu recours aux pires procédés de la démagogie pour récupérer les voix de l'extrême droite, terreau du fascisme.

Parallèlement, les carences dans la lutte contre les discriminations et la relégation sociale de pans entiers de nos villes ont engendré des situations d'extrême conflit. Les descentes médiatisées des forces de police dans les quartiers en difficultés, les provocations de hauts personnages de l'Etat et l'emploi délibéré, à l'encontre de populations déjà exclues, d'une rhétorique explosive - «racaille », « karcher» - ont été autant de facteurs de violence et d'insécurité. La politique répressive dont le candidat de l’UMP se veut le chantre s'est non seulement révélée inefficace, mais dangereuse, porteuse de dérives et d'une accentuation de la précarisation des populations les plus pauvres et les plus fragiles.

Sa proposition d'un ministère « de l'intégration et de l'identité nationale » vise des populations entières qui vivent paisiblement leur citoyenneté et sont ainsi présentées comme des risques pour l'identité nationale. Cette proposition est inspirée d'une autre époque et heurte la conscience de nombre de citoyen(ne)s, au-delà de la diversité de leurs opinions politiques ou philosophiques. Le rejet de cette proposition dépasse le clivage droite-gauche, et s'adresse aux fondements mêmes d'une société humaniste.

L'ensemble de ces éléments participe à un climat délétère qui a laissé se développer l'agressivité provocatrice des forces de police à l’encontre des jeunes des quartiers populaires et des sans-papiers – comme récemment encore à la gare du Nord à Paris - et génère le passage aux exactions racistes, comme ces derniers jours, lors des dégradations répétées de tombes juives ou musulmanes dans le Nord, dans l’Est ou au Hâvre, et lors de l’agression brutale à Paris à l’encontre du grand rabbin de la région Lille – Nord-Pas-de-Calais.

Les thèmes de Nicolas Sarkozy ne sont pas neutres et s'opposent à l'idée même de rassemblement autour des valeurs de la République. Ses théories, ses mots constituent autant de bombes à retardement qui, déposées démagogiquement le temps d'une campagne électorale, peuvent demain - sur fond de misère sociale - contribuer à engendrer de nouvelles tensions. Oui les mots sont des armes lorsqu'ils sont ainsi utilisés à des fins électoralistes.

L’extrême droitisation politique de la France s’inscrit dans une évolution européenne plus qu'inquiétante. On croyait jugulé le péril de l’extrême droite autrichienne qui avait été entourée d’un cordon sanitaire par les membres de l’Union Européenne. Mais voici que plane aujourd’hui sur l’Union, anciens et nouveaux membres confondus, la menace d’un populisme sans scrupules, xénophobe, anti-immigrés et antisémite. Dans ce contexte, plus que jamais, la France doit jouer en Europe le rôle de défenseur des Droits de l'Homme.

Le MRAP, à l'heure d'un important choix de société pour la France, entend rappeler que l'on ne construit pas une société en spéculant sur les peurs, l'exclusion ou la stigmatisation. Bien au contraire, la personnalité élue au second tour devra porter de grandes valeurs et revendications fondamentales en matière de droits de la personne humaine, notamment :
- La fin des expulsions, le retour des expulsés et une régularisation globale de tous les sans-papiers présents en France, permettant de donner à tous ceux qui vivent à nos côtés le droit au séjour, c’est-à-dire le droit à la dignité ;
- La remise en cause des lois et des pratiques arbitraires initiées par le ministre Sarkozy, fondées sur une idéologie exclusivement répressive et qui ont amené à des expulsions massives, brutales et inhumaines ainsi qu’ à la mise à l’écart et à la précarisation de populations entières ;
- La mise en chantier d’une législation respectueuse des droits fondamentaux - droit d’asile, droit de vivre en famille, droit à l’éducation, droits de l’enfant… ;
- L’abolition des discriminations ;
- L’élaboration d’un travail sur l’histoire de la France qui permette une conciliation des mémoires plurielles pour une Histoire partagée par tous ;
- Une intervention forte de la France au niveau international en faveur de la paix - pour une paix juste et durable au Proche-Orient comme pour les pays du monde engagés dans des luttes fratricides et / ou génocidaires - dont le Darfour, … ;
- Une révision de la politique française d’intervention militaire et économique dans des pays où ses ventes d’armes, notamment, alimentent les conflits ;
- Une condamnation des régimes qui pratiquent des politiques de discrimination, contraires aux Déclarations des droits humains, envers des catégories de populations à raison de leur « race », de leur origine, de leur religion, de leurs opinions politiques, de leur genre ou de leur orientation sexuelle .

Au soir du dimanche 22 avril, les candidats non finalistes de la gauche ont tous clairement appelé à faire barrage à la droite ou, plus explicitement encore, à voter Ségolène Royal.

Le MRAP fait sien cet appel.

Paris le 24/04/2004
Tag(s) : #MRAP, #Élections